mardi 1 décembre 2015

Voyage vers l'Argentine

Hola amigos !

Nous quittons Villa O'Higgins pour rejoindre El Chalten en Argentine, mais cette traversée n'a rien d'ordinaire puisque aucune route ne relie les deux pays par ici. Deux longues et belles journées de déplacement nous attendent pour traverser une zone encore plus reculée que tout ce que nous avons rencontré jusque là, où bateaux et sentiers forestiers sommaires et bouillasseux nous attendent.


La Carretera Austral prend fin au bord du lac O'Higgins, 7km après ce petit village de bout du monde. Pour poursuivre notre chemin vers le Sud et vers la frontière argentine, il nous faut traverser ce lac et composer avec la météo et les horaires de l'unique bateau hebdomadaire. En effet ce bateau n'effectue la traversée que de novembre à mars (conditions météo estivales) et une seule fois par semaine (le samedi) en novembre. Qui plus est, ce lac est difficile à naviguer par grand vent car il est plutôt étroit et surtout des icebergs dérivent sur des kilomètres, icebergs provenant d'un glacier se jetant directement dans l'eau. Les jours de mauvais temps ne sont donc pas propices à la traversée. Impossible donc de partir ce samedi comme prévu. Mais un créneau météo est annoncé pour dimanche. Youpi ! Nous nous en sortons bien car, visiblement, l'an dernier à la même époque, il a fallu attendre 17 jours avant de réussir à traverser...

Ce dimanche, de bon matin, il pleut des cordes. Le vent est fort, nous avons peine à croire que le temps puisse s'améliorer dans la journée, et pourtant... Un bus nous conduit au terminus de la Carretera Austral où est amarré le fameux bateau. Nous embarquons avec une quarantaine de passagers et nous mettons cap au sud. La pluie se confirme, le vent ajoute un bonne dose d'hostilité, du coup, nous sommes bien installés au chaud à l'intérieur.



Puis vers 10h une belle éclaircie illumine le lac et les environs, nous avons l'impression de changer de planète ! Chacun sort sur le pont, le vent est en partie tombé et le soleil est bien agréable ! Nous ne quittons pas pour autant le bonnet, la doudoune, la gore-tex et le sur-pantalon ! Les paysages patagons se dévoilent dans toute leur splendeur. Le lac est d'un bleu turquoise impressionnant, les montagnes tombent dans l'eau et les glaciers au loin paraissent sans fin.











Nous faisons une rapide halte à Candelario Mansilla vers midi, des passagers montent, d'autres descendent. Nous dormirons dans ce "village" de trois maisons ce soir, mais avant le bateau repart en direction du glacier O'Higgins pour l'après-midi.

Une légère pluie nous accompagne pour la suite du trajet, interrompue par quelques éclaircies, mais avec un vent toujours très fort. L'ambiance est à part... Soudain, nous apercevons au loin ce qui ressemble à un bateau blanc, chose surprenante puisque nous pensions être seuls. Mais non ce n'est pas un bateau, c'est un iceberg !!! Ça alors, nous sommes scotchés ! Nous nous souviendrons longtemps de cette seconde où nous avons réalisé ce qui se dévoilait devant nos yeux. Le glacier est pourtant encore loin, mais les icebergs sont de plus en plus visibles, et de plus en plus nombreux à dériver en paix au gré du vent. Nous sommes frappés par leur bleu éclatant, c'est un peu comme si des néons les éclairaient de l'intérieur. Superbe !






    Le glacier O'Higgins se profile au loin...


Au détour d'une presqu'île, le glacier O'Higgins se dévoile enfin ! Il est immense, terminant sa longue course dans ce lac. Il semble tomber doucement de la calotte glaciaire au loin qui paraît sans fin. Nous en perdons toute notion d'espace. Le bateau approche très près de ces falaises de glaces d'une cinquantaine de mètres de hauteur qui n'attendent que de tomber. Nous avons la chance que la pluie laisse la place à une belle éclaircie pendant l'heure qui nous est offerte pour contempler ce spectacle. IN-CRO-YA-BLE !!!



Que dire de plus à part que nous ressentons une très forte émotion en contemplant ce mastodonte de glace. Le bleu qui semble sortir des profondeurs du glacier est vraiment surprenant. Des blocs de glace se détachent régulièrement, ils sont plus ou moins gros, on sent que le glacier vit ! Nous nous sentons si petits dans cet univers surréaliste. Quel privilège de pouvoir vivre cette expérience grandiose, si loin de tout...


















L'équipage nous réserve la surprise du chef: un verre de whisky agrémenté d'un glaçon fraîchement extrait du glacier même ! La classe ! Et bien avec ça, le vent nous paraît tout de suite plus chaud ! ;-)


Nous quittons cette merveille avec des images spectaculaires en tête, en direction de la terre ferme. Nous longeons encore de beaux icebergs au retour, le plaisir est prolongé... Nous sommes si heureux d'avoir pu vivre une telle expérience !

De retour en fin d'après-midi à Candelario Mansilla, ultime "lieu-dit" chilien avant la frontière, nous campons devant chez Ricardo et sa maman, les deux uniques habitants des lieux. Ils vivent ici à l'année depuis toujours. Nous avons peine à croire que des humains puissent vivre aussi loin de toutes les commodités que nous pouvons trouver chez nous. Ricardo nous en apprend plus sur leur mode de vie. Tout au long de l'année, le ravitaillement des 12 uniques habitations disséminées au bord du lac O'Higgins se fait par bateau, une fois tous les 10 jours. Seule une radio les relie à Villa O'Higgins. Elle leur permet de passer leurs commandes et d'obtenir tout type d'information. Quelle vie !
La journée se termine par un bivouac cinq étoiles avec une vue imprenable sur le lac et le vent a même disparu pour la nuit ! 



Réveil de bonne heure le lendemain, car une longue journée nous attend. Le soleil brille, nous croisons les doigts pour que ça dure. La vue sur le lac et les environs montagneux est splendide. Après avoir effectué les formalités administratives à la douane chilienne, Ricardo nous épargne les 11 premiers kilomètres de marche en nous conduisant au bout de l'unique piste, laissant par la suite place à un sentier. Au détour d'un virage, au loin, se dévoile le Fiz Roy !!! Ce légendaire monstre de roche argentin se dresse fièrement au-dessus de tout. Si tout se passe bien, nous devrions être au pied de cette montagne ce soir, à El Chalten. 



   Chez les Carabineros chiliens


   Le fameux Fitz Roy

Nous remercions Ricardo pour sa gentillesse et partons à l'assaut des 11km restants de ce sentier qui doit nous mener au poste frontière argentin, au lac Desierto. À la différence des précédentes marches, ce jour, nous portons, en plus de quelques vivres, l'intégralité de nos affaires (habituellement nous nous délestons de quelques kilos dans les auberges au point de départ, mais dans ce cas précis nous sommes en transit et ne repasserons pas par Villa O'Higgins). Les sacs sont donc bien bien lourds...
Il a gelé cette nuit, le sol est froid, au moins nous ne marchons pas (encore) dans la bouillasse. La forêt est épaisse, nous nous rendons à l'évidence : ce sentier est très peu fréquenté, et nous sommes dans les premiers de la saison à l'emprunter. Alors, forcément, il y aura un peu de défrichage à faire. Nous avançons plutôt bien, mais la pluie de ces derniers jours a laissé des traces, le sentier est maintenant franchement humide et glissant. Au bout d'une heure, les chaussures sèches ne sont plus qu'un vague souvenir. Nous passons la frontière Argentine au beau milieu de nulle part, elle est signalée par un simple panneau en pleine forêt. Mais il nous faut encore une bonne heure pour rallier le poste frontière argentin au bord du lac Desierto.


   En route avec Michel et Barbara, deux italiens rencontrés quelques jours plus tôt







Nous y voilà un peu avant midi, c'est une simple maison. Nous faisons la rencontre des carabineros argentins dans le but de faire tamponner nos passeports. Mais voilà que le tampon ne fonctionne plus lorsque vient le tour de Céline... Il nous rend le passeport, nous disant "Bueno !". Mais un rapide coup d'œil nous permet de constater qu'il n'a apposé sur la page qu'un vulgaire pâté d'encre violet, sans date, ni pays indiqués !?! Nous insistons, le chef arrive et écrit à la main "Argentina", ajoute la date et signe... Et ben avec ça, espérons qu'on nous laisse sortir du pays... 


   Lac Desierto

Le ciel s'est couvert, la pluie nous guette. Nous pensions prendre un bateau pour traverser la laguna Desierto, mais il n'est censé arriver que dans cinq heures (finalement il passera sous notre nez bien plus tôt) et il est particulièrement cher. Alors plutôt que de se geler à l'attendre, nous nous décidons à longer le lac jusqu'au bout, via le petit sentier tracé : 11km de plus, sur un chemin qui s'avérera compliqué. Nous enchaînons les montées et les descentes, les passages dans la boue, les troncs d'arbres à enjamber et les ruisseaux voire les rivières à traverser, le tout, bien chargés et sous une pluie fine. Une sacré mission, mais toujours au milieu de superbes paysages...






Après 4h30 de marche à un bon rythme, nous arrivons au bout de notre peine, les pieds trempés. Il est 16h30, nous nous réjouissons de prendre la navette pour les 37 derniers kilomètres qui nous séparent d'El Chalten.



Mais voilà que la plus grosse difficulté de la journée se présente... Nous rejoignons huit autres compagnons qui ont fait le même trajet que nous, à un rythme différent et qui attendent, comme nous, le prochain bus. Ils sont là depuis 1/2h et ont dû payer (cher) pour être sûrs que le minibus plein qui a filé sous leurs yeux revienne. Il pleut toujours, il fait froid, des flocons tombent par moment, nous sommes dehors sous le porche de la maison des gardes du parc... 17h, 18h, 19h, 20h... Toujours pas de bus en vue... Il n'y a évidemment pas une voiture, puisque nous sommes au bout d'une impasse, mais surtout qui aurait l'idée de parcourir 37km de piste détrempée pour voir un lac sous la pluie en fin de journée ?! Seul ce fameux bus peut nous sortir de là, mais quand ? Nous avons tous froid, nos pieds trempés sont gelés, mais même avec un moral d'acier ça devient vraiment difficile...
Vincent part marcher pour tuer le temps et se réchauffer. Il aperçoit un bus sortir de nulle part et qui semble partir ?! Il s'avérera que ce n'est pas un bus public, mais le bus est presque vide et se rend à El Chalten. Le chauffeur accepte que nous montions à bord. Ouf, cette fois c'est gagné !!! C'est en fait un bus scolaire qui véhicule quelques professeurs d'EPS partis repérer la sortie du lendemain. Le trajet de 1h30 (pour 37km, oui oui !) défilera finalement à toute vitesse, les enseignants sont aussi contents que nous de cette rencontre improbable !



Nous arrivons finalement à El Chalten vers 22h, et croisons les doigts pour retrouver Eva et Joachim, un couple d'allemands arrivés plus tôt que nous au village et nous ayant proposé de partager le logement pour la soirée avec eux. Quel bonheur, ils ont réservé une "cabanas", sorte de petite maison privée. Ils nous attendent, ont fait les courses pour le repas et nous ont réservé le lit king size ! C'est royal !!! 

Tout est bien qui finit bien, nous trinquons à cette belle aventure autour d'un bon repas !
Deux journées de traversée pour finalement passer cette frontière... Nous savions que ce serait épique, nous n'avons pas été déçus ! Et nous en avons surtout pris plein la vue ! Bienvenue en Argentine !

La bise des frontières !



8 commentaires:

  1. Super cette traversée et bravo car c'était pas gagné. Merci pour vos photos et récits qui nous font rêver et moins regretter d'être déjà de retour en France. Amitiés. Christian et Marie Christine.

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    1. L'aventure, la vraie, comme on l'aime de temps en temps... Merci pour votre petit mot. Amitiés Céline et Vincent

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  2. Et bin... C'est magnifique ! Vous pensez tout de même arriver à temps pour prendre l'avion ? ^^

    Baptiste.

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    1. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

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    2. Je me suis dis exactement la même chose ! ça paraît tellement loin, et loin de tout, qu'on se demande si c'est possible d'être de retour dans 10 jours.

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    3. Ahah bonne remarque! On est juste un poil à la bourre dans la rédaction du blog mais promis on sera bien de retour dans 10 jours :-/ Céline

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  3. Un des articles que j'ai préféré !
    C'est moi ou "fépachosur'lbato?" ?? :-)

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